Découverte du Mexique

Les peintures Rupestres de la Basse-Californie

Un trésor artistique récemment mis à jour...

Les fabuleuses peintures rupestres de la Basse Californie
C'est dans la région encore peu connue de la Basse-Californie du Sud
que les archéologues ont fait les découvertes les plus intéressantes de ces 20 derrières années.
Les nombreuses peintures rupestres au style si original mises à jour ces derniers mois
nous révèlent l'existence d'une riche culture qui est à l'origine du Mexique.
Carte de la Basse-Californie

La péninsule de Basse-Californie qui est traversée par la chaîne montagneuse nommée Sierra de La Giganta est l'une des régions les moins connues du Mexique mais elle mérite que l'on en parle. Eloignée de tout, chaude, aride même, elle est surtout connue en Europe pour sa production de vin et ses plages paradisiaques. Elle recèle aussi un trésor extraordinaire mis à jour ces dernieres années par les archéologues : les peintures rupestres les plus belles et les plus anciennes du Mexique. La Basse-Californie centrale et la Sierra de San Francisco, et dans la réserve d'El Vizcaíno en particulier, a abrité, depuis 100 av. J.-C. jusqu'à 1300 apr. J.-C., un peuple aujourd'hui disparu et on y trouve concentré là les plus belles cavernes ornées du pays et on n'en finit plus d'en découvrir de nouvelles.

La composition et la dimension des peintures,
ainsi que la précision des tracés et la variété des couleurs,
mais surtout le nombre de sites, font de ce travail artistique
un témoin exceptionnel d'une tradition unique.

Dès 1993, l'UNESCO décidait de déclarer cette zone comme faisant partie du « Patrimoine Mondial ». Depuis cette date, les découvertes se sont succédées dans cette zone montagneuse et inhabitée. Une première mention de ces grottes est issue des écrits du jésuite Francisco Javier Clavijero dans une publication posthume datée de 1789. Depuis cette époque, plus de 400 sites ont été répertoriés par l'Institut National d'Anthropologie et d'Histoire (INAH). Le plus grand nombre d'entre eux (250) sont situés dans les limites de la réserve près de San Francisco et Mulege. D'aucuns disent que c'est LA découverte archéologique la plus importantes de ces dernières années sur le continent américain et il est vrai que l'on reste souvent ébahi devant la beauté et la force de certaines de ces peintures murales qui nous viennent d'un autre âge. Un nom plus qu'explicite désigne dorénavant cette culture que l'on rattache aux Guatchimis, un peuple venu du Nord : « el gran mural », la culture de la grande peinture. Je vous invite à les découvrir...

« La Cueva de la Pintada » - « La Caverne Peinte » - On remarque les personnages ainsi que les « cerfs » semblant danser ensemble...
« La Cueva de la Pintada » - « La Caverne Peinte »
On remarque les personnages ainsi que des cerfs semblant danser ensemble...

Les premières traces d'activité humaines retrouvées en Basse-Californie par les archéologues sont datées de -11000, -10000 ans avant J.C. : c'est la fin du Pléistocène. C'est une période charnière pour l'humanité. La péninsule est un cul de sac pour les migrants venus du nord et elle offre de nombreux endroits propices à l'installation des hommes. Dans les terres, ce sont des montagnes qui comptent d'innombrables grottes et abris de toutes les tailles. Au bord de la mer, les ressources marines sont comme inépuisables. Pourtant, aujourd'hui, la région est encore largement enclavée et son climat plutôt difficile. C'est pour cela que l'on s'étonne de découvrir là, si tardivement (à la fin des années 70), une culture préhistorique si raffinée, si originale, dans une zone qui pour nous semble si inhospitalière. Les archéologues nomment cette culture « El Gran Mural », la culture de la grande peinture murale, et cela se comprend en regard des œuvres d'art magnifiques qu'ils nous ont laissées et dont les premières découvertes remontent à peine aux années 50, grâce notamment au travail du journaliste Fernando Jordán.

« La Cueva del Enjambre » - « La Caverne de l'Essaim »  - On remarque remarque un homma levant les bras...
« La Cueva del Enjambre » - « La Caverne de l'Essaim »

Il est permis de s'interroger sur ces peintures, qui, par leurs thèmes et leurs traitements, ne diffèrent pas beaucoup des peintures de l'Europe de cette époque (disons, pour être plus juste, qu'elles ne sont pas d'un style graphique radicalement différent, et qu'elles se situent entre le mésolithique européen -11000, -9000 avant J.C. - et les ultimes peintures du désert du Hoggar, en Tassili -8000, -6000 avant J.C.). Il est d'ailleurs frappant de constater que ces styles soient si proches alors qu'ils sont si éloignés dans l'espace et dans le temps (Les plus anciennes sont datées de - 2500 avant J.C environ). Mais, ce qui comptent ici, ce sont ces petites différences qui nous renseignent sur l'esthétique et la mentalité de ces lointains ancêtres des Mexicains. Il faut noter aussi que de nombreux autres sites à travers le Mexique recèlent d'autres trésors tout aussi prestigieux comme les sites de « Boca de Potrerillos » et de la « Presa de la Mula » mis à jour par dans le Nouveau-León par Hector Gonzalez de la Fuente (Voir les images sur rupestreweb.tripod.com).

« La Cueva del Ratón » - « La Caverne de la Souris »
« La Cueva del Ratón » - « La Caverne de la Souris »

Cette culture dont il est évidemment difficile de définir l'origine - les Guatchimis - se montre cependant très « moderne », c'est à dire organisée, pratiquant peut-être l'agriculture et l'élevage, vivant dans des villages et maîtrisant donc l'art de la fresque. Les premières mentions que nous connaissons de ces Guatchimis et des peintures rupestres qui leurs sont associées remontent à l'année 1789, date à laquelle une lettre fut adressée à Rome par le jésuite espagnol Francisco Javier Clavijero. On sait aussi que les premières études approfondies furent réalisées par l'érudit néerlandais Ten Kate en 1874 puis par le français Diguet dans les années 1889-1905. Pour eux, il est évident qu'il ne s'agit plus de peintures décoratives ou fonctionnelles (comme des camouflages de chasseurs), mais un bien d'art consommé de la fresque comme on en trouve peu à travers le monde et surtout sur le continent américain. On est loin des chasseurs-collecteurs au mode de vie nomade, et qui ne laissent pas beaucoup de traces de leurs passages. Ici, c'est une culture sûre d'elle-même, autant que les cultures européennes et moyenne-orientales qui entrent peu à peu à cette époque dans l'âge néolithique, l'ère de l'agriculture et de la sédentarisation. L'homme n'est plus le jouet de la nature, il commence à la dompter... C'est le constat que l'on peut faire en étudiant ces peintures. Les scènes, souvent monumentales, sont toujours vivantes, montrant des hommes et des bêtes en mouvement, comme s'ils dansaient ensembles... c'est la vie de ces hommes que l'on voit. Quelle dimension leur donner ? Magie, icônes, art religieux... Leur nombre montre leur extrême popularité : c'est le fruit du travail d'une population assez nombreuse. Reste à dater précisément les rares traces qu'ils ont laissées pour mieux situer l'ampleur de leur connaissance et leur type de vie sociale.

« La Cueva de la Musicá » - « La Caverne de la Musique »
« La Cueva de la Musicá » - « La Caverne de la Musique »

La « Cueva de la Musicá », la Caverne de la Musique, renferme l'une de ces peintures qui a particulièrement retenue l'attention des chercheurs. On peut voir au plafond, juste à l'entrée de la caverne, une scène regroupant plusieurs personnages, humains affublés de masques ou demi-dieux venus des délires d'un chaman. Il y a aussi des animaux. Cette scène a la particularité d'être inscrite dans une trame, un treillis de forme géométrique, tracé en blanc. C'est pour cela qu'on la nomme la caverne de la Musique car pour ceux qui l'on découverte, ce quadrillage semblait être comme une partition musicale dont les personnages seraient les notes... On peut voir aussi que, comme pour la « Cueva de la Pintada », les personnages peints sont bicolores, rouge et noir, mais, qu'ici, le noir a quasiment disparu (car en réalité plus sensible aux intempéries). On s'interroge sur cette manière de représenter ces hommes peints deux couleurs, comme s'ils étaient composés de deux parties : une claire, une sombre... Parfois, ils ont 6 doigts (!), parfois aussi ils sont lardés de flèches (ce qui nous rappelle quelque chose...) ! Est-ce le bien et le mal qui sont comme réunis dans l'homme ? Certains on fait remarquer que cela pourrait aussi représenter une chose plus banale : le soleil éclairant une moitié des personnages et laissant l'autre dans l'ombre... Ce qu'il faut en retirer, c'est surtout un trait que l'on retrouve toujours dans la culture mexicaine d'aujourd'hui : la dualité, l'amour de la vie et l'attrait pour la mort, le bien et le mal intimement liés en l'homme. Peut-être que ce dualisme si typique de la mentalité mexicaine provient d'une manière ou d'une autre de ce peuple dont nous ne connaissons toujours aujourd'hui presque rien...

L'entrée de « La Caverne de la Musique »
L'entrée de « La Caverne de la Musique »

Ce « damier » est unique et on ne retrouve cette forme que très rarement dans le monde. Les chercheurs ont suggéré qu'il pouvait représenter le plan d'une exploitation, le sol symbolisé d'une terre cultivée. Une carte en somme, mais qui ici doit revêtir une dimension plus sacrée que profane (on pense aux Egyptiens qui plus tard inventerons la géométrie pour rationaliser l'exploitation des terres des rives du Nil). Mais est-ce vraiment cela ? Cette peinture porterait donc la preuve que l'agriculture (et donc une certaine modernité) serait apparue au Mexique beaucoup plus tôt que ce que l'on pensait jusqu'à aujourd'hui. Cependant, il est très difficile de dater ces peintures et il faut se garder de trancher pour le moment. On sait que les culture postérieures, des Olmèques aux Aztèques, pratiquaient l'agriculture, dont celle fondamentale du maïs, mais qu'ils n'avaient domestiqué aucun animal de trait ni de somme. Seul le chien et le lama pour les peuples de la zone d'influence des Incas. Là , comme dans la « Cueva del Ratón », les représentation d'animaux foisonnent : ils sont au milieu des hommes. Cela nous permet de penser que les conditions étaient, comme pour l'Europe et le Moyen Orient de cette époque, réunis pour que cette domestication s'accomplisse. Alors, pourquoi n'a-t-elle pas eu lieu ? C'est l'un des problèmes des historiens de l'Amérique. Peut-être que l'étude de cette culture de la Basse Californie nous fournira un début de réponse.

« La Cueva de la Pintada » - « La Caverne Peinte »
« La Cueva de la Pintada » - « La Caverne Peinte »

La« Cueva de la Pintada », La Caverne peinte, est la plus grande des cavernes ornées de la région de San francisco. C'est un abri sous roche énorme de 150 mètres de long. Par sa taille et par la diversité des représentations humaines et animales que l'on peut y voir. Elle se situe sur le versant d'une falaise, à une soixantaine de mètres du fond de la gorge. La caverne en elle-même mesure plus de 150 m de long. Les parois sont presque totalement recouvertes de centaines de dessins de couleurs noire et rouge clair. Certains personnages se distinguent par leurs coiffes pour le moins étranges (masque ou chevelure ?). Ils lèvent les mains au ciel, brandissent des lances et des flèches... Toute une ménagerie les entoure sans que l'on discerne toujours les espèces représentées : cerfs, moutons, brebis, oiseaux, lièvres, reptiles, tortues,... En cherchant bien, on trouve aussi des représentations de poissons et surtout de baleines, si nombreuses le long des côtes. Images qui renforce l'idée que ces tribus connaissaient aussi bien les montagnes que les rivages de l'océan. Des danses, des rituels de chasse, des incantations... sûrement. Mais pour qui, pour quoi, pour quel dieu ? Le mystère demeure...

Vue de l'entrée de « La Cueva de la Pintada »
Vue de l'entrée de « La Cueva de la Pintada »

On pense aux fresques des montagnes du Tassili, aux cavernes ornées d'Europe... Beaucoup de choses nous échappent encore. Il faut remettre ces peintures dans leur contexte historique, et, il faut bien l'avouer, de ce contexte, on ne sait presque rien. Les dates recueillies par les chercheurs sur 38 sites différents, avec la méthode du carbone 14, s'étalent de 2350 avant J.C. à l'an 1480. Il en est une datée de 1650 dans la « Cueva El Ratón ». Le climat n'a guère changer depuis 10000 ans dans cette région, il faut donc se retourner vers les tribus venues du nord et les traces qu'elles nous ont laissé. Il n'y en a pas beaucoup. Cette région a été peuplée par des tribus venues du nord, comme on en retrouvera souvent la trace dans l'histoire et les légendes du Mexique par la suite : les Indiens Cochimis avaient expliqués aux missionnaires que ces peintures avaient été réalisée par les « Géants du Nord ». Les chercheurs pensent qu'il ont donné naissance à ces indiens Cochimí, ethnie assez primitive des déserts du nord du Mexique. Il n'y a guère de traces plus tangibles de culture humaine en Amérique avant cette période décrite dans les grottes de la Basse-Californie. Leur valeur est à la hauteur de leur beauté.

« Cueva de las Flechas » - « La Caverne des Flèches » -  Des personnages, guerriers ou chamans, sont transpercés par des flèches...
« Cueva de las Flechas » - « La Caverne des Flèches »
Des personnages, guerriers ou chamans, sont transpercés par des flèches...

Baja California des Sur

A visiter...

La meilleure période pour visiter la Basse-Californie du Sud s'étend d'Octobre à Mai. La région connaît progressivement le désenclavement et sur place les hôtel et commodités d'usage sont de bonne qualité. La Péninsule est très étendue et les zones de peintures rupestres se situent vers le centre, essentiellement dans la Sierra de San Francisco qui commence à partir du ville de San Ignacío. C'est une zone de montagne assez difficile d'accès, au climat semi-aride, où l'on trouve des palmiers d'altitude qui sont du plus bel effet dans le paysage.

La Sierra de San Francisco - Basse-Californie - Mexique
La Sierra de San Francisco - Basse-Californie
Photo de Farwestern

Tous ces sites nécessitent quelques précautions pour pouvoir être visité et un guide ne sera pas superflu. Certaines gorges sont particulièrement dangereuses et les randonneurs ne sont pas nombreux dans ce coin au climat désertique. Le pays reste encore peu exploré et on ne compte que 500 000 habitants pour toute cette partie de la péninsule. C'est aussi pour cela qu'il doit rester de nombreuses choses intéressantes à découvrir..

L'origine du mot « Californie » reste lui aussi assez mystérieux mais on il y en a une qui est très intéressante : en privilégiant une influence espagnole et latine, on trouve alors « callida » et « fornax », ce qui veut dire le « four chaud ». on le comprend car le climat y est désertique et on prétend même que ce serait l'expression même d'Hernán Cortès lorsqu'il arriva (le premier Européen) dans cette région si éloignée de Mexico. Le dépaysement est assuré et découvrir les peintures murales dans ces contrées si reculées est un plaisir qui se mérite.

San Ignacío

Musée des Peintures Rupestres de San Ignacío
Museo de Pinturas Rupestres de San Ignacío

vous pourrez y voir une collection très intéressant de l'art rupestre de San Francisco de la Sierra, qui est peut-être le plus important et le plus abouti de toute la zone. On y voit de nombreuses photos grandeur nature des peintures murales de toute la Basse-Californie. Comme pour Lascaux, une grotte est reconstituée en fac-similé et permet de s'immerger pour un instant dans l'atmosphère de cette culture étonnante. Le musée est, comme beaucoup de musée mexicain, très bien organisé et relativement peu fréquenté par les touristes. Vous y trouverez aussi le Bureau officiel de l'INAH qui organise les visites guidés des cavernes et des sites rupestres de la région de San Francisco : les guides sont nécessaires autant pour préserver les sites que pour ne pas se perdre dans la Sierra.

Adresse : Calle Profesor Gilberto Valdivia Peña - San Ignacío Baja California Sur

La peinture originale...
La « La Cueva de la Musicá »...
et son fac-similé du Musée de San Ignacío

Le circuit le plus recommandé part du canyon de Santa Teresa dans l'Arroyo de San Pablo où l'on découvre la « Cueva de la Pintada », une des plus belles des grottes ornées. Un autre circuit intéressant passe plus au nord dans l'Arroyo El Parral où se trouve la « Cueva El Serpiente », elle aussi unique en son genre. La Sierra de Guadalupe située plus au sud-ouest de San Francisco est aussi très recommandée. En partant de la ville de Mulegé, on peut visiter La Trinidad, « Las Piedras Pintas » (Les Pierres Peintes), où l'on peut voir aussi des pétroglyphes, sculptures assez rares dans la région, puis terminer par la « Cueva San Borjitas », qui fut la première grotte de la basse Californie à se faire connaître à travers le monde entier en 1950 grâce au travail immense du journaliste et explorateur mexicain Fernando Jordan. Les autorités propose trois niveaux de visite de la région en fonction de votre temps et de vos capacités physiques. Il faut cependant toujours se renseigner auprès d'eux pour signaler votre parcours et éviter les mauvaises surprises dans cette région qui reste sauvage et hostile.

Reproduction de la « Cueva de la Pintada » au Musée National d'Anthropologie de Mexico
Reproduction de la « Cueva de la Pintada »
au Musée National d'Anthropologie de Mexico
La Basse Californie vue du ciel...
La Basse Californie vue du ciel...

Pour en savoir plus sur ces peintures rupestres de la Basse Californie

archive.archaeology.org/online/features/baja (en.)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Peintures_rupestres_de_la_Sierra_de_San_Francisco (fr.)

www.mexicodesconocido.com.mx/pinturas-rupestres-de-baja-california-san-gregorio-san-ignacio (es.)

lapazbajacaliforniasurmexico2.blogspot.fr/2015/07/la-cueva-de-la-serpiente-arroyo-del.html (es.)

« Peintures rupestres au Mexique : constance de l'humanité à travers l'art » (es.)

Art rupestre dans le Nuevo León :

rupestreweb.tripod.com (es.)

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