Le cinéma mexicain
L'affiche du film « Amours Chiennes » d'Alejandro González Iñárritu - 1999

« AMORES PERROS »

« Amour Chiennes »

Alejandro González Iñárritu, 1999

Sortie en France le 1 novembre 2000

« L'homme est un chien pour l'homme... »

B. O. Gustavo Santaolalla : « Chico Groove »

Film choc de l'année 1999 au Mexique, « Amours Chiennes » arrive enfin sur nos écrans. Ce film frénétique, du jeune et génial Alejandro González Iñárritu et de son vrai titre « Amores perros », est découpé en trois histoires que seuls la présence des chiens semblent réunir. La bande-son magnifique et prégnante de Gustavo Santaolalla enveloppe le film d'une atmosphère angoissante qui achève notre immersion dans la vie de nos héros des temps modernes. Ce film est à voir absolument si l'on veut avoir une bonne idée de la vie à Mexico en l'an 2000. Mêlant violence et amour, mort et rédemption, riches et pauvres, le film se révèle d'une efficacité étonnante, exemple probant d'un renouveau du cinéma mexicain grâce à ces jeunes réalisateurs issus de la publicité ou de la radio, et qui ne se sont pas exclusivement nourris de films nord-américains. Ils cherchent leur inspiration à la source, dans le spectacle permanent qu'offre la plus grande ville du monde : Mexico-City. Le film fut un véritable triomphe dans son propre pays où (avec 4 millions d'entrées !) il réalise le second meilleur score de l'histoire du cinéma mexicain...

Alejandro González Iñárritu, le réalisateur...
Alejandro González Iñárritu, le réalisateur

Primé au Festival de Chicago, le film se fait remarquer à Cannes où il reçoit le « Prix de la semaine de la Critique » et reçoit un accueil favorable du public peu habitué à ce cinéma mexicain pourtant si prolifique. Depuis, le film rafle de nombreux prix à travers l'Europe, où malgré une censure attendue, il a pu être diffusé dans les salles sans trop de problèmes (interdit aux - de 12 ans en France). Il faut dire que ce film, qui a tout d'un long court-métrage, a tout pour plaire : aussi bien ces scènes de combats de chiens très en vogue dans les média (d'un réalisme et d'une violence inouïe) que le suspense hitchcockien savamment entretenu dans le second épisode, ou que la fin d« El Chivo », un peu trop belle pour être honnête. Toutes ces figures se croisent sans se connaître, et pourtant leurs destins se retrouvent ici intimement liés. Chaque épisode, filmé d'une manière si particulière, nous balance d'un monde à l'autre ? On se laisse prendre au jeu à regarder ces héros d'un jour sombrer peu à peu dans l'horreur... A vous de juger !

 

Visuel du film « Amours Chiennes » d'Alejandro González Iñárritu - 1999

Le Film

Le film commence par un banal accident de la circulation dans la capitale mexicaine mais cet accident va mettre en relation les trois « héros » de cette histoire bien mouvementée : Octavio, le jeune sans foi ni loi, Valéria, la belle bourgeoise et « El Chivo », le vieux gangster sur le retour...


Episode 1

« Octavio et Susana »
Octavio dans « Amour Chiennes »Susana dans « Amour Chiennes »
Octavio et Susana
Gael García Bernal - Vanessa Bauche

Le jeune Octavio, qui vit à Mexico chez sa mère avec son frère et sa belle-soeur, mène une existence banale. Mais, il a un gros problème : il déteste son frère Ramiro, un petit caïd, caissier de supermarché le jour et braqueur la nuit, et aime en secret sa jolie belle-soeur, Susana, qu'il ne supporte plus de voir maltraitée. Pour se faire de l'argent facilement et la séduire, il participe aux combats de chiens clandestins du samedi avec son chien Cofi qui surpasse tous ses adversaires. Susana tombe de nouveau enceinte de Ramiro et le pire est à craindre pour elle. Ne tenant plus, Octavio échafaude un plan machiavélique pour enlever Susana comme cela se pratique couramment à Mexico et se faire une nouvelle vie dans le nord. Mais cela se fait-il de convoiter la femme de son frère ?

Octavio et son chien de combat dans « Amour Chiennes » - « Amores Perros »

Episode 2

« Valeria et Daniel »

La belle Valéria mène l'existence feutrée des mannequins célèbres. Elles s'installe à Mexico, dans un somptueux appartement où elle peut recevoir dignement son nouvel amant, Daniel... et s'occuper de son chien. A la manière d'Hitchcock, tout bascule lorsque le pauvre petit chien disparaît dans un trou du plancher sous les yeux de sa maîtresse affolée et se retrouve pris au piège. Dès lors, le grand appartement devient la maison de l'angoisse où les rats font la loi. Le couple commence alors une lente descente au enfer...

Valeria - Goya Toledo dans « Amour Chiennes » - « Amores Perros »
Valéria
Goya Toledo

Episode 3

« El Chivo et Maru »

Le vieux « El Chivo » (Le Cabri) vit aussi à Mexico, dans le quartier populaire de Colonia Popotlá. Il est au bout de sa vie. Fringuant gangster et même guérillero du temps de sa splendeur, il est devenu aujourd'hui un clochard que personne ne remarque plus dans la rue. Il exécute quelques « contrats » minables pour survivre. Seuls ses fidèles chiens lui servent d'interlocuteurs... Pourtant, une jeune fille de la bourgeoisie semble concentrer toute son attention. Le Mexique, c'est bien connu, est une terre de miracles et chacun ici a droit au sien, une fois dans sa vie... Ce miracle, ce sera peut-être la rédemption d'« El Chivo »...

« El Chivo » - Emilio Echevarria dans « Amour Chiennes »
« El Chivo »
Emilio Echevarría

Visuel du film « Amours Chiennes » d'Alejandro González Iñárritu - 1999

Le film est certes violent mais il ne fait que traduire la réalité de Mexico aujourd'hui : la plus grande ville du monde, un riche pour huit pauvres... On peut même dire que malgré le caractère un peu artificiel du film, on se laisse prendre au jeu. Les trois histoires, qui auraient pu être tournées par trois metteurs en scènes différents, apparaissent comme des clichés. Pourtant, les personnages se croisent tout au long du film, menant des existences qui se rejoignent et se complètent pour former une trilogie tragique des temps modernes, preuve que le Mexique est devenu lui aussi un grand pays moderne puisque ces histoires pourraient se dérouler aussi bien à New-York qu'à Barcelone. Iñárritu avait pris un gros risque (mais il semble que ce soit comme une habitude), en misant sur la force de la première partie, mais c'est celle qui fut le mieux accueillie car la fin se révèle très morale. Les autres histoires sont du même acabit, mi-sérieuses mi-dérisoires, et sont aussi le signe d'une identité affirmée : c'est cela la mexicanité, le mélange du bien et du mal. Après tout, il le dit lui-même, il ne cherche là qu'à « faire ressortir la nature sauvage de l'homme ». C'est réussit.

Du côté technique, on sera surpris par la « texture » particulière de certaines images aux couleurs très profondes qui n'ont pourtant rien de digitalisées. Rodrigo Prieto, le responsable de ces images « inhabituelles », a lui aussi pris un risque énorme pour obtenir ses effets visuels si particuliers, et même inédits : « Nous avons innové en utilisant la technique du "silver taint", qui consiste à garder les sels d'argent sur le négatif au lieu de les laver. Ce qui donne des couleurs à la fois percutantes et un peu sales, des noirs profonds, des blancs aveuglants. A ma connaissance, c'est la première fois au monde que cette technique est employée pour un film entier. Elle n'est pas sans risques. Les techniciens redoutent qu'avec le temps, les sels n'attaquent le support et ne détruisent le négatif. Dans dix ans, la copie originale d'Amours Chiennes « aura peut-être disparu... »

Étrange. Et dans dix ans, que pourra-t-on dire de Mexico ? A noter aussi, la bande-son d'une grande qualité et de la musique de « Machete Control » et de « Titán », ou le titre languissant de la bande annonce « Chivo Groove », signé par Gustavo Santaolalla.

 

Quelques avis...

Libération

« Trois individus ; trois niveaux de vie opposés, représentatifs de la société mexicaine de la base au sommet ; trois destins en proie à l'ironie du sort, ou en tout c as à celle de l'auteur, qui ne se prive pas de sadiser copieusement ses personnages... Pendant une demi-heure,« Amour Chiennes » fait vraiment peur avec presque rien. A l'intérieur de ce film clinquant, fabriqué, lourdement métaphorique,... gît donc un excellent court-métrage. Un bon début pour un jeune cinéaste. »

Jean-Marc Lalanne

Le Canard Enchaîné

« Trois chiennes de vie qui s'emmêlent et s'entrechoquent à l'occasion d'un accident de voiture. Au centre, un clébard. C'est bien ficelé, bien filmé, surtout tout le premier drame, situé dans l'univers des combats de chiens de Mexico. On peut parier sur ce film âpre d'Alejandro González Iñárritu, et sa manière de nous promener dans la zone ou chez les bourgeois. Avec mordant. »

F.P.

Le Figaro

« Pour son premier long métrage, et Alejandro Gonzàlez Iñàrritu fait preuve d'une maîtrise scénaristique étonnante. Un film remarquablement abouti, chargé d'une émotion intense, réflexion sur la vulnérabilité de l'expérience humaine. Et puis, en filigrane, le chaos cru, violent de la ville la plus peuplée du monde ne cesse de peser sur le destin des millions d'hommes et de femmes qui comme les protagonistes du film errent dans les rues dangereuses à la recherche d'une improbable rédemption. »

Gérard Camy

L'affiche du film « Amours Chiennes » d'Alejandro González Iñárritu - 1999

Réalisation : Alejandro González Iñárritu

Mexique - 1999 - 2h33

Interprètes : Emilio Echevarría, Gael García Bernal, Goya Toledo, Vanessa Bauche, Alvaro Guerrero, Jorge Salinas, Marco Pérez, Rodrigo Murray...

Scénario : Guillermo Arriaga
Images : Rodrigo Prieto
Musique : Gustavo Santaolalla
Montage : Fernando Pèrez Unda